Quiconque est associé de près ou de loin avec Alain Soral est disqualifié pour participer au débat d’idées en France. Sauf le FN. Pourtant, Soral a fait parti du Comité Central du Front National, excusez du peu. Décryptage.
Soral, des Bains Douches à la Liste Antisioniste
Alain Bonnet, devenu Soral pour profiter de la notoriété de sa sœur Agnès (actrice vue notamment dans Tchao Pantin avec Coluche) est un polémiste franco-suisse. Passé par la case Tout-Paris—Saint-Germain-des-Prés—Bains Douches, il a été totalement exclu de ce milieu quand il a commencé à écrire sur la géopolitique, en dénonçant le complot judéo-maçonnique et en accusant le sionisme international de tous les maux. S’il passe désormais son temps devant les tribunaux, il est aussi à la tête du site extrêmement visité Egalité & Réconciliation, de la maison d’édition Kontre Kulture et l’auteur du best-seller Comprendre l’Empire, écoulé à plus de 100 000 exemplaires. Son audience est massive et incontestable.
Associé sans faille voire éminence grise de Dieudonné, il serait passé par le Parti Communiste dans les 90’s (selon ses dires, les preuves se font rares) avant de rejoindre le FN en 2005. Il est directement promu au Comité Central par Jean-Marie Le Pen, encore Président du mouvement, le 18 novembre 2007. Il quitte le parti en 2009 après avoir échoué à être nommé tête de liste aux Européennes pour l’Île de France. Il aura cette phrase magique à propos de Jean-Michel Dubois, qui lui est finalement préféré : « Je n’ai rien à faire sur [sa] liste, pas seulement parce qu’il est débile et bègue, mais parce que ce libéral atlanto-sioniste est sur une ligne diamétralement opposée à la mienne ». Grande classe.
Il se présente finalement en 5e position de la Liste Antisioniste menée par Dieudonné (1,3% des suffrages exprimés). Depuis, il se consacre essentiellement à développer la « marque Soral » via son site et toutes ses déclinaisons. Avec un tel succès qu’il est devenu dérangeant et que la machine étatique et juridique s’est mise en branle pour lutter contre le phénomène.
Soral, ennemi public n°1
« Soral a raison ». Voilà le cri de ralliement des fans du bonhomme, qui hurlent à l’acharnement et le présentent quasiment comme un martyr du système. Considéré par les autres comme le fer de lance du « nouvel antisémitisme », Soral subit depuis des années une véritable cabale médiatique (vous l’avez ?).
Depuis 2008, il a été condamné à répétition pour incitation à la haine, diffamation, antisémitisme, injures à caractère racial, appel aux dons illégal, provocation à la discrimination religieuse, ainsi que pour apologie de crimes de guerre et contre l’humanité. Sacré palmarès.
Ce qui marque les esprits, c’est l’intensité avec laquelle les classes politiques et médiatiques se sont impliquées sur le sujet, au premier rang desquels le Premier Ministre Manuel Valls. Il est désormais établi que Soral, à l’instar de Dieudonné, est un infréquentable. Certains, associés de fait ou de force au tribun, en ont payé le prix.
Cachez ce lien que je ne saurais voir
Pour ne pas être trop long, prenons trois exemples parmi les plus marquants :
François Asselineau, énarque passé par les cabinets de droite (Pasqua par exemple), président de l’UPR. Un parti dont la ligne peut se résumer ainsi, « quitter l’Euro, quitter l’UE, quitter l’Otan ». Très rarement invité dans les médias de grande écoute, Asselineau est passé dans LE talk-show du moment, On n’est pas couché de Laurent Ruquier, en septembre 2014. Une émission passée à se défendre des attaques du journaliste Aymeric Caron sur ses supposés liens avec Soral et sa mouvance. On ne l’a pas revu depuis.
Frédéric Taddeï, célèbre journaliste, animateur de l’émission de débats Ce Soir ou Jamais. L’un des rares à avoir invité sur son plateau Alain Soral et Dieudonné après que leur réputation soit faite. Son émission a été déprogrammée du service public…
Etienne Chouard, blogueur devenu célèbre sur le web au moment du référendum sur la Constitution Européenne de 2005. Il milite activement pour l’établissement d’une nouvelle Constitution rédigée par des citoyens tirés au sort et a développé un réseau massif d’adeptes, les « gentils virus », qui font passer son message sur les réseaux sociaux. Pour avoir refusé de condamner Soral en vertu de la liberté d’expression, il est désormais classé « facho » par toute une partie de la gauche radicale et clairement hors-jeu pour le futur.
D’autres sont dans le même cas, notamment parmi les activistes de la ré-information sur internet (Berruyer, Bricmont, etc…). L’amalgame avec Soral se fait vite, colle à la peau et il faut le dire, souvent sans raison.
On peut exclure de cette liste Eric Naulleau, auteur avec lui de l’indigeste Dialogues désaccordés, et qui a toujours une émission sur Paris Première avec l’insupportable Eric Zemmour. Au passage, sans avoir jamais eu de lien officiel, Zemmour et Soral développent des thématiques communes. Il est d’ailleurs très fréquent qu’Alain Soral félicite le chroniqueur d’RTL dans ses vidéos pour « son courage » ou « ses analyses ».
En clair, côtoyer Soral, relayer ses propos, être relayé par son site E&R ou défendre son droit à la parole au nom de la liberté d’expression sont aujourd’hui synonymes d’opprobre. A une – énorme – exception près…
Soral et le FN, des liens qui perdurent ?
Depuis environ dix ans, le Front National mène deux révolutions distinctes : la fameuse dé-
diabolisation et la bascule idéologique dans les domaines économiques et sociaux. Pour faire simple, le FN de Jean-Marie Le Pen était « Reaganien », partisan d’un libéralisme absolu sans interventionnisme étatique. Celui de Marine Le Pen est plutôt « gauche du travail, droite des valeurs » (le slogan d’Égalité & Réconciliation). Le magazine Challenges lui trouve même des « airs de programme commun de la gauche » (sic). Evolution dont Alain Soral s’attribue la paternité. Il a déclaré à plusieurs reprises être entré au FN pour lui faire adopter une tendance anti-néolibérale et étatiste, ce qui est de fait le cas aujourd’hui.
Il faut relativiser l’impact du pamphlétaire dans cette manœuvre. Le débat existait depuis des années au FN à son arrivée et d’autres ont mené cette bataille. Force est de constater, pourtant, que le passage de Soral et cette bascule sur les thèmes économiques sont arrivés en même temps.
Par ailleurs, et ce n’est plus un secret pour grand monde, il existe aujourd’hui deux FN qui se côtoient en attendant 2017. A terme, la scission semble pourtant inéluctable. D’un côté, celui de Marine Le Pen et Florian Phillipot, chantres de la dé-diabolisation. De l’autre, l’aile dure historique, identitaire et ultra-nationaliste, incarnée par Marion Maréchal-Le Pen. Or, il semblerait bien qu’Alain Soral ait encore l’oreille de pas mal de monde au sein du parti, notamment dans le clan maréchaliste. C’est d’ailleurs ce que dit en substance Aymeric Chauprade, ancien cadre ayant quitté le navire en 2015 : « L’influence d’Alain Soral sur une partie du Front National a été l’une des raisons de fond qui m’ont poussé à quitter ce mouvement ».
La question qui fâche
A ce stade de la réflexion, voilà où nous en sommes. Alain Soral est persona non grata dans le débat public français et cela s’étend à tous ceux qui gravitent de près ou de loin autour de lui, parfois même à tort. Pendant son passage au FN, Soral fait bouger la ligne économique et, malgré son départ, conserve une certaine influence sur tout un pan du parti.
On pourrait donc s’attendre à ce que Marine Le Pen soit confrontée à la question Soral, voir
e disqualifiée d’office comme certains. La Présidente du FN a tout de même participé à « Ce soir ou Jamais » assise aux côtés de son ancien cadre (voire même passé un peu de bon temps avec lui comme le prouve cette vidéo collector)
Et c’est là que le bât blesse dans nos médias traditionnels. A longueur d’année on nous serine que le FN est l’ennemi absolu, que son hypothétique victoire serait synonyme d’apocalypse et, pourtant, ses représentants font le tour des plateaux matin et soir. Paradoxe. Pourtant, il existe un thème simple et efficace pour discréditer le FN, mais personne n’en parle. La conclusion s’impose d’elle-même.
Le Front National joue un rôle extrêmement
important dans le spectre politique et médiatique. Celui d’épouvantail, qui permet systématiquement au parti de gouvernement qui se retrouve en face au deuxième tour (PS ou LR, au choix) de gagner largement grâce au « front républicain ».
Le truc, c’est que les gens de gauche n’en peuvent plus de voter à droite dans ce cas de figure. C’est passé une fois en se pinçant le nez avec Chirac en 2002. C’était plus dur encore avec Bertrand et Estrosi aux dernières régionales. Le feront-ils lors d’un éventuel second tour Sarko-Le Pen en 2017 ? Rien n’est moins sur. Affaire à suivre.