In-sens-é ? Episode 2 – Ensemble

Toujours donner du sens. Dans ce 2e épisode, l’origine de cette nouvelle facette de moi commence à prendre forme. Suite du parcours d’une quête de sens lorsqu’on a 25 ans et que tout nous sourit.

Ensemble

Non, je ne suis pas devenue boulangère et oui, mon job est toujours un job à la con.

[ (Re)lis, l’épisode 1 – Mon job à la con si t’as pas compris. ]

Alors, péniblement, je me dirige vers mon bureau. Tous les jours. Chaque signe extérieur est signe d’évasion : la mouche qui vole, la musique du vent dans les feuillages, les rires, la tasse de café qui se renverse… et puis l’actualité.

Les notifications dédiées à la presse défilent sans fin sur mon iPhone. Jour après jour. Ces petites phrases qui te résument un fait d’actualité. Elles tentent d’être neutres mais en réalité, prennent position suivant le média. Les mots, la tournure des phrases, tout ça c’est réfléchi pour conditionner notre pensée. Si tu ne me crois pas, tu peux aller voir ici. Mais, je m’en gave. Je ne sais pas, ça me permet de suivre un peu ce qui se passe en France et dans le monde. Je recherche sûrement une émotion quand je les lis. Peut-être de la résignation ou de l’engouement. Bref, quelque chose qui me donnera l’impression d’être vivante.

Et puis un jour, l’une d’entre elles m’interpelle – elle parle d’immigration. Je me renseigne. Je trouve plusieurs adjectifs pour définir les populations qui fuient leurs pays et se retrouvent parmi nous. On parle de “migrants”, de “réfugiés”, d’”immigrés”, d’”apatrides”, de “déplacés”. En plus, ça tombe bien, c’est un sujet phare des Présidentielles 2017.

En 2015, 240 millions de personnes dans le monde ont migré pour des raisons économiques, politiques ou de survie. De survie. C’est grave ! Et moi, qui ose employer le terme “vivante” pour décrire l’émotion que je recherche en lisant l’actualité. Est-ce vraiment comparable ?

J’ai encore envie d’en savoir plus. Qui sont ces surhumains qui traversent tout un monde entier pour vivre ? Car je veux les prendre pour exemple !

Et en même temps, c’est bizarre. Parce qu’à l’opposé, ces news feeds laissent entendre que ce sont des marchandises ou de la main d’oeuvre pas chère pour notre société. J’ai l’impression de voir se dessiner une histoire qui ne me plaît pas : ceux qui assis sur leur trône décident pour ceux qui triment, pataugent et parfois se noient.

Pour moi, les migrants sont simplement des personnes. Et le fait de le dire devrait suffire amplement. Ce sont des personnes qui ont des objectifs, des attentes, des capacités… et des rêves ! Mais attendez voir ! Moi aussi… qui finalement cherche à trouver ma voie professionnelle.

Nous sommes tous dans le même bateau, non ?

J’ai intitulé cet épisode Ensemble. En prononçant ce mot, j’y vois de la solidarité, de la fraternité, du travail collaboratif, de la réussite, de l’humain.  Je l’aime vraiment ce mot. Depuis, je me dis : “Comment mettre un peu plus de cet “ensemble” dans ce que je fais tous les jours ?

 




Norbert Alter est un spécialiste de l’étude du fonctionnement de l’entreprise. Il aime se focaliser sur les échanges sociaux les plus basiques, entre collègues dans l’entreprise, et conclut qu’une bonne coopération entre salariés se base sur le don de chacun. Son livre “Donner et prendre : la coopération en entreprise”  s’ouvre avec en chapitre premier “Coopérer, c’est donner”.

Norbert précise : il y a une manière de donner. Rendre service à un collègue pour l’”endetter”, c’est-à-dire, lui accorder une faveur qu’il devra rendre plus tard, n’est pas un don en soi. Le don “bien fait” ne cherche pas à maximiser les gains du donneur.

Pour vérifier ses propos, j’ai tenté l’expérience sociale qu’il décrit dans son bouquin. Dans le métro parisien, je m’amuse donc à tenir la porte pour les personnes arrivant après moi, qu’elles soient loin ou proches de la sortie. Et j’ai observé le résultat : dans la plupart des cas, les personnes contentes du geste se mettent à se dépêcher, voire à courir pour récupérer la porte laissée ouverte. Au début, je ne comprenais pas. Pourquoi court-on après cette satanée porte ouverte ? Est-ce que cela voudrait dire que la personne inconnue qui tient la porte pourrait perdre patience et regretter son geste car on ne le lui a pas rendu ? Est-ce que ce serait parce qu’il n’est pas “normal” de donner sans retour ? Oui, je l’admets, j’ai aussi brûlé un ou deux neurones au passage.

Puis, dans un deuxième temps, la personne qui s’est empressée de rattraper la porte retenue en fait de même pour la personne suivante, et ainsi de suite. Les échanges sont plus naturels, moins mécaniques, avec plus de sourires et de “merci”. Dans un monde merveilleux, la RATP n’aurait même pas à provisionner pour les réparations des portes battantes du métro ; mais là, je vais un peu trop loin.

 

Norbert donne ensuite plein d’autres paramètres qui définissent la coopération. Moi, je souhaite vraiment m’arrêter au don de soi. Car en résumé, ce que je comprends, c’est que pour que cet “ensemble” soit réel, il faut une bonne louche de don de soi, une cuillère à soupe de don de l’autre et un récipient assez large pour prendre le tout.

J’ai envie de donner sans retour pour donner du sens à ma vie…

…et mes chères stars fraîchement débarquées en France m’y ont aidée. En tant que fan qui se respecte, je me devais de les rencontrer. Comme une petite groupie, j’ai recherché sur internet les lieux de leur potentiels passages. Je suis tombée sur cette association caritative connue en France pour ses actions dans l’humanitaire et je me suis inscrite. Deux semaines plus tard, je devenais officiellement professeure de français pour les migrantsLa suite au prochain épisode.